Les causes de la famine qui sévit actuellement dans la Corne de l’Afrique sont d’abord politiques. Pour aller vite, il s’agit semble-t-il d’un symptôme de plus des difficultés qu’affrontent certains pays africains à devenir des Etats-nations. C’est le cas du sud de la Somalie qui, faute de cette infrastructure, est livré à des groupes de maffieux. Les populations locales y crèvent de faim faute de pouvoir en toute sécurité pratiquer l’agriculture, d’en répartir les fruits ou de bénéficier de compensations si celle-ci est impratiquable pour cause de sécheresse.
Régler le problème de manière durable supposerait de soutenir ces pays dans une perspective de modernisation politique. Or nous, européens, faisons exactement le contraire. Aveugles au fait que notre grand marché soi-disant autorégulé est en réalité conditionné par des Etat-nations profondément ancrés, nous exportons là-bas notre mirage d’un horizon postpolitique.
Résultat, nous cautionnons voire renforçons le climat de luttes intestines qui est à l’origine des problèmes que nous prétendons vouloir contribuer à régler. Il en est de même des fonds que nous récoltons comme de l’intervention des ONG. Dans un tel cadre, faute d’être accompagnées de volonté politique, ces actions sont nécessairement vouées à asseoir un état de fait, à savoir la mainmise des chefs de guerre locaux sur leurs fiefs. Le parallèle avec la crise économique est patent. Faute d’exercer une prise politique sur les marchés financiers au sein desquels règne la guerre de tous contre tous, on se contente de les redynamiser en y réinjectant régulièrement des sommes colossales livrées à leur voracité.
Comme on le voit, il y a une version de gauche du néolibéralisme dont il est tout aussi nécessaire que nous sortions que de celle de droite.
Martin Dekeyser
Emission « Les Matins » sur France Culture du 13 septembre 2011 avec Alain Gascon, professeur à l’Institut français de géopolitique de l’université Paris VIII et Bruno Parmentier, directeur de l’Ecole supérieure d’agriculture (ESA).