Billet écrit par Jean-Marc Jancovici, ingénieur, associé de Carbone 4 et président de The Shift Project, publié par Les Echos le 2 avril 2013.
Qui n’a jamais entendu que les arbres ne grimpaient pas jusqu’au ciel ? Que cela soit heureux ou malheureux est un débat intéressant, mais il en est un qui l’est bien plus : savoir quoi faire quand l’arbre a terminé sa croissance.
Depuis 2007, et pris en monnaie constante, le PIB français n’a pas augmenté. Celui de l’Europe pas plus, celui du Japon a un peu diminué et même celui des Etats-Unis est globalement ce qu’il était il y a cinq ans. L’économie sans croissance dans l’OCDE, c’est maintenant, et c’est parti pour durer un certain temps.
Affreux ? Intolérable ? Peut-être, mais réel. Pour un individu pris isolément, l’arrêt de la croissance physique ne pose pas le moindre problème. Comme nous savons que cela arrivera, nous avons le temps de préparer des activités et des motifs d’espoir qui sont adaptés à l’évolution de notre situation physique.
L’économie industrielle est à ce tournant que nous connaissons tous comme individus : elle a vieilli et ne peut plus assurer la performance d’antan. Les mines et puits de pétrole sont moins généreux, l’espace encore disponible est plus difficile à trouver, et plus généralement toutes ces ressources que 15 milliards d’années d’évolution depuis le big bang ont mises gratuitement à notre disposition se font un peu plus tirer l’oreille pour devenir disponibles.
Le problème, c’est que, tel l’artiste qui refuse de se voir vieillir, nous n’avons pas voulu voir le coup venir. On a beau se tourner partout, il n’existe pas la moindre production intellectuelle digne de ce nom sur ce que signifie gérer un univers sans croissance. Cette question n’a pas besoin de savoir si la croissance est désirable ou pas : elle a vocation à explorer les modes de gestion qui permettent de conserver une société avec un bon moral si la croissance physique n’est pas ou plus là.
Habituées aux coups durs, les entreprises sont un peu mieux armées, mais guère plus. Il leur reste aussi à opérer la difficile mutation de la performance à la résilience, qui ne garantira plus les rendements d’antan quand tout va bien, mais assurera la survie à des horizons de temps plus longs. Sacré défi !