Chronique de Brice Couturier diffusée dans Les Matins de France Culture le 18 décembre 2012.
« Les décrocheurs, ce sont ces jeunes qui sortent prématurément du système scolaire français sans diplôme ni qualification ; au mieux, ils ont passé le Brevet, qui a cessé depuis longtemps d’être un passeport pour l’emploi. Or, ils arrivent sur un marché de l’emploi qui s’avère de plus en plus exigeant en termes de diplômes et de qualification. Carsi le diplôme, en France, est une condition de moins en moins suffisante pour trouver un emploi, cela reste une condition nécessaire », comme l’écrit Florence Lefresne, dans une étude de la Fondation allemande Friedrich Hebert Stiftung, consacré au chômage des jeunes. Car, contrairement à d’autres, notre système exclut la main-d’œuvre non formée – c’est d’ailleurs une des raisons cachées de notre haut niveau de productivité du travail… 40 % des jeunes ayant décroché sont au chômage. Florence Lefresne écrit dans cette étude que le problème des « décrocheurs » constitue « le principal défi » du système d’éducation français.
Alors, cers décrocheurs, combien sont-ils ? Les estimations varient entre 130 et 150 000. Vincent Peillon les estime lui-même à 140 000. Que sait-on d’eux ? On les connaît un peu mieux grâce à « l’Etude exploratoire sur les jeunes décrocheurs », réalisée cette année par l’AFEV et analysée par Trajectoires.
Le décrochage se fait essentiellement à partir de la classe de seconde (32 % des personnes interrogées ont cessé de se rendre régulièrement aux cours à partir de l’entrée au lycée, contre 17 % dès la 3° et 11 % en 1ère). En quittant l’école, 36 % se sont sentis angoissés, 29 % soulagés. Leurs motivations ? 37 % répondent avoir rencontré des problèmes personnels, 35 % avoir été découragés par des mauvais résultats. Mais la cause essentielle du décrochage provient du « sentiment d’avoir été mal conseillé sur leur orientation » – éprouvé par 71 % des sondés.
Il faut repérer très vite ces décrocheurs, afin de leur offrir des solutions, un suivi. Comme le dit la spécialiste des questions d’éducation, Catherine Blaya, « le décrochage est l’aboutissement d’un processus qui démarre dès la maternelle. Et de distinguer quatre grands profils d’élèves à risque : le rebelle, qui présente des troubles du comportement ; le dépressif, dont le manque d’intérêt pour l’école se développe discrètement ; le découragé, qui ne parvient pas à se projeter dans l’avenir ; le déviant caché, qui recherche l’approbation de ses pairs, mais non celui des enseignants.
Ce problème n’avait pas échappé au gouvernement précédent, qui avait lancé en 2009, un Plan « Agir pour la jeunesse », avec 100 plateformes locales, chargées de proposer apprentissage, formation, ou école de la deuxième chance. François Hollande veut aller plus loin et fixe au ministère un objectif de réduction de moitié du nombre de décrocheurs. Vincent Peillon dit s’y atteler.
Mais plutôt que de miser prioritairement sur l’enseignement assisté par le numérique, comme semble s’y engager le ministère, avec l’expérimentation lancée en collaboration avec le CNED, le centre d’enseignement à distance, la France ne devrait-elle pas s’inspirer du système « Trait d’union », mis en place dans la Région de Sherbrooke, au Québec, sous l’impulsion du professeur Laurier Fortin. Elle s’appuie sur l’engagement, aux côtés, de chaque jeune décrocheur d’un accompagnateur attitré, qu’il rencontre au moins une fois toutes les deux semaines, pour faire le point et évaluer les objectifs atteints. Le taux de réussite est spectaculaire. La place des décrocheurs est en classe, à côté de leurs camarades, non, tout seuls devant leur écran d’ordinateur. »
Lien vers la chronique de Brice Couturier sur le site de France Culture